1. Prise en charge au début de la maladie

1.1. Annonce du diagnostic

Elle est une étape capitale au plan psychologique, la maladie de Parkinson gardant l'image d'une condition invalidante associée au vieillissement. Il est donc souhaitable, au cours des consultations initiales, de mettre en valeur les perspectives positives que représentent l'efficacité symptomatique attendue du traitement dopaminergique, l'existence de formes à évolution lente et l'épargne relative des fonctions mentales, ces aspects laissant espérer, au moins pendant les premières années dites de « lune de miel », la préservation de la qualité de vie socio-professionnelle et familiale. Il faut ensuite informer le patient et son entourage sur les différents choix thérapeutiques possibles.

1.2. Principes de base pour le choix du traitement

En l'état actuel des connaissances, il n'existe pas de médicament disponible en France que l’on puisse qualifier de « neuroprotecteur », c'est à dire susceptible de ralentir ou de stopper l'évolution progressive de la dénervation dopaminergique.

S'agissant du traitement dopaminergique proprement dit, il convient de rappeler le caractère purement symptomatique de son action. Ce traitement ne sera donc débuté que lorsque la gêne fonctionnelle le justifie et sa posologie sera adaptée progressivement en tenant compte de la tolérance, notamment aux effets indésirables digestifs et tensionnels, l'objectif étant d'obtenir la meilleure efficacité possible sur les symptômes moteurs avec une posologie minimale ajustée aux besoins. En effet, ce traitement sera de longue durée, d'autant que l'âge du patient est plus jeune, ce qui implique la prise en compte d'une forme de compromis stratégique entre le bénéfice symptomatique à court terme, justifié par la nécessité objective de préserver la qualité de vie professionnelle et familiale, et les complications potentielles du traitement à moyen et long terme plus ou moins prévisibles, ce risque étant lié à l'évolutivité de la dénervation dopaminergique qui reste, à l'échelon individuel, une inconnue au début de la phase symptomatique de la maladie de Parkinson.

1.3. Stratégies thérapeutiques possibles

La L-dopa en monothérapie (L-dopa associée à un inhibiteur de la décarboxylase) peut être argumentée sur la base de son rapport efficacité/tolérance qui reste actuellement le plus élevé, notamment à la période de début. Cependant, sa demi-vie biologique brève lui confère le qualificatif de traitement « pulsatile », avec un risque plus élevé, et de survenue plus précoce, de fluctuations d'efficacité et de dyskinésies, comparativement aux autres traitements dopaminergiques. L'hypothèse de son effet neurotoxique, évoqué à partir d'études « in vitro », semble écartée « in vivo » sur la base de nombreux arguments indirects et sur les résultats de l’étude prospective ELLDOPA. L'intérêt de stratégies annexes (L-dopa à libération prolongée, associations avec un inhibiteur de la MAO-B et/ou de la COMT), destinées à rendre la dopathérapie moins « pulsatile », reste encore à démontrer.

Les agonistes dopaminergiques en monothérapie se sont vus reconnaître récemment un rapport efficacité/tolérance initial, sinon analogue à celui de la L-dopa, tout au moins d'un niveau très proche avec un risque potentiel à moyen et long terme de complications motrices nettement réduit. Cependant, la mise en route du traitement doit rester très progressive, ce qui implique une information du patient solide et soutenue en vue de préserver son adhésion aux objectifs du traitement et de le prévenir de risques particuliers comme la somnolence et le trouble du contrôle des impulsions . De plus, ce rapport efficacité/tolérance favorable semble ne pas se maintenir au-delà de quelques années, ce qui nécessite d'associer la L-dopa en traitement de recours pour maintenir l'effet symptomatique: en effet, l'augmentation de la posologie des agonistes dopaminergiques, qui serait nécessaire pour rester en monothérapie, se révèle fréquemment mal tolérée, notamment au plan psychique et chez les sujets âgés.

La combinaison précoce de L-dopa et d'agonistes dopaminergiques, chaque médicament étant prescrit à posologie minimale, se fonde sur le postulat d'une action pharmacologique synergique: les rares études consacrées à l'évaluation de cette stratégie de compromis pragmatique ne permettent pas de conclure définitivement sur ses avantages éventuels.

1.4. Recommandations pour le traitement initial

Dans le contexte actuel où l'évolution de la relation médecin-patient conduit à prendre en compte de façon plus formelle le notions de risque thérapeutique et de principe de précaution, les recommandations établies par les instances professionnelles peuvent constituer un repère utile (extrait de la conférence de consensus sur la maladie de parkinson): « L'âge de début et l'importance de la gêne fonctionnelle sont les 2 facteurs qui guident les choix thérapeutiques:

  • en l'absence de ralentissement moteur (ou d’inconfort lié au tremblement ou à l’hypertonie), les traitements médicamenteux ne sont pas indispensables; les raisons de l'abstention thérapeutique doivent être données au malade
  • lorsque la gêne est minime, les inhibiteurs de la MAO-B et/ou les agonistes dopaminergiques peuvent être utilisés en fonction du symptôme prédominant et de l'âge
  • lorsqu'il existe un retentissement fonctionnel, l'âge du patient conditionne le traitement:
  • chez le sujet jeune, il convient de privilégier les agonistes dopaminergiques le plus longtemps possible. Le recours à la dopathérapie se justifie en cas d'intolérance ou de réponse thérapeutique insuffisante ; la dose de L-dopa doit rester la plus faible possible.
  • chez le sujet âgé, la L-dopa peut être utilisée en première intention ; l'apparition d'un déclin cognitif doit conduire à utiliser les doses minimales efficaces. »

1.5. Place de la rééducation fonctionnelle

Au début de la maladie, la gêne fonctionnelle reste faible et répond le plus souvent de façon nette au traitement médicamenteux. Une prise en charge rééducative, essentiellement motrice, peut cependant être proposée au patient de façon pragmatique: elle se situera dans une action de prévention visant à préserver les capacités physiques générales du patient et à atténuer d'éventuels symptômes douloureux.

2. Prise en charge dans la phase évoluée

2.1. Traitement médicamenteux des complications motrices .

Fluctuations prévisibles

Le principe de base est de rendre le traitement antiparkinsonien moins « pulsatile ». L'attitude la plus simple consiste à augmenter le nombre de prises de L-dopa, si possible en réduisant la quantité à chaque prise pour ne pas augmenter la posologie totale quotidienne, ce qui correspond à un « fractionnement » des prises. Il peut aussi s'avérer utile d'introduire la L-dopa à libération prolongée (LP) moyennant, compte tenu de sa biodisponibilité inférieure, une augmentation de posologie quotidienne de l'ordre de 30%: cependant, le maintien d'une prise de L-dopa standard, voire l'introduction de la forme dispersible de L-dopa, peuvent être nécessaires comme « dose-starter » en cas d'akinésie du petit matin persistante. L'ajout d'agonistes dopaminergiques, ou l'augmentation de leur posologie s'ils étaient déjà prescrits, peut constituer une alternative; de la même manière, les inhibiteurs de la COMT peuvent représenter le traitement de choix pour l'akinésie de fin de dose en raison de l'amélioration qu'ils apportent sur la biodisponibilité de la L-DOPA.

Fluctuations imprévisibles

Les différentes approches possibles visent toutes à améliorer la biodisponibilité du traitement antiparkinsonien: optimiser la cinétique d'absorption intestinale de la L-dopa (médicaments prokinétiques accélérant la vidange gastrique, prises de L-dopa avant le repas), réduire la quantité des acides aminés alimentaires (transfert des protéines du repas de midi vers celui du soir), « court-circuiter » la barrière intestinale (par l'utilisation de l'apomorphine sous cutanée), stimuler plus fortement les récepteurs dopaminergiques (augmentation de la posologie de L-dopa, agonistes dopaminergiques). En pratique, les mesures portant sur l'horaire des prises par rapport aux repas, sur la vidange gastrique et sur la diète protéinique, sont les premières à être mises en œuvre; lorsque les fluctuations persistent, il est justifié d'introduire l'apomorphine en injections sous-cutanées unitaires (posologie entre 3 et 8 mg, établie après test pharmacologique évaluant le rapport efficacité/tolérance) sous couverture initiale de domperidone à 60 mg/j. Dans les cas les plus difficiles, il peut s'avérer nécessaire de remplacer tout ou partie de la L-dopa par l'apomorphine en administration continue sous-cutanée à l'aide d'une pompe portable, ou encore de remplacer la L-dopa orale par la Duodopa (forme gel de L-dopa- Carbidopa) délivrée par une sonde duodénale via une gastrostomie perendoscopique.

Dyskinésies de milieu de dose

Lorsqu'elles deviennent gênantes, en raison de leur intensité ou d'une composante douloureuse, la première mesure thérapeutique est le « fractionnement » des prises éventuellement associé à une réduction de la posologie quotidienne de L-dopa, ce qui pourra être facilité, en cas de besoin, par l'ajout mesuré d'agonistes dopaminergiques. L'amantadine, avec la mise en évidence de son rôle antagoniste glutamatergique, s'est révélée souvent efficace pour atténuer les dyskinésies.

Dyskinésies de début et de fin de dose

Leur prise en charge reste souvent difficile et décevante. Une première mesure logique consiste à augmenter la posologie quotidienne de L-dopa tout en augmentant le nombre de prises. L'apomorphine, la Duodopa et l'amantadine méritent d'être également utilisées dans cette indication.

Dystonies de période « off »

La toxine botulique est indiquée dans les formes localisées stables. Dans les autres cas, il est justifié d'augmenter la posologie de L-dopa, d'essayer l'ajout d'une forme LP ou encore d'utiliser l'apomorphine ou la Duodopa.

Myoclonies

Elles nécessitent rarement une prise en charge thérapeutique. L'utilisation, en pratique, d'amitryptiline à doses modérées (25 mg), ou de clonazepam, le soir est une mesure habituelle.

2.2. Traitement médicamenteux des troubles non moteurs

- L'hypotension orthostatique: souvent iatrogène dans la maladie de Parkinson, elle nécessite lorsqu'elle est mal tolérée l'ajout de fludrocortisone, de sympathicomimétiques et notamment de midodrine. Les mesures complémentaires (bas de contention, contrôle des apports sodés) sont souvent utiles.

- Les troubles urinaires, à type d'urgences mictionnelles et de pollakiurie nocturne, sont souvent atténués par la simple prise en charge des périodes off ou répondent à une pathologie associée. Dans certains cas, l'utilisation prudente de l'oxybutynine et de l'amitryptiline permettra d'atténuer l'hyperactivité du détrusor.

- Les troubles sexuels, à type d'impuissance chez l'homme, peuvent justifier la prescription de sildenafil, après contrôle de la fonction cardiaque et vérification de l'absence d'autre étiologie (iatrogénicité, état dépressif, pathologie endocrinienne). En cas d'hypersexualité gênante, il peut s'avérer nécessaire de réduire le traitement dopaminergique.

- Les troubles digestifs, notamment la constipation, justifient toujours des mesures hygiènodiététiques (apport de fibres, boissons suffisantes et activité physique) éventuellement complétées par des laxatifs doux et, le cas échéant, par l'arrêt de médicaments anticholinergiques. La sialorrhée gênante par insuffisance de déglutition spontanée peut bénéficier du traitement par injection de toxine botulique dans les glandes parotides et sous-maxillaires sous contrôle échographique.

- Les troubles anxio-dépressifs, lorsqu'ils ne sont pas améliorés par le traitement dopaminergique, peuvent être traités symptomatiquement par antidépresseurs (tricycliques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) et prise en charge psychothérapeutique.

- Les troubles cognitifs justifient d'éviter les anticholinergiques. Lorsque ces troubles évoluent vers une démence, il peut être légitime d'évaluer prudemment l'effet d'un anticholinestérasique à action centrale : dans cette indication, la Rivastigmine dispose d’une AMM.

- La « psychose » dopaminergique, dont la séméiologie peut comporter un continuum entre des hallucinations mineures bien contrôlées et des accès confuso-délirants aigus avec troubles sévères du comportement, nécessite toujours un bilan médical complet (à la recherche d'une pathologie associée sous-jacente), une réduction des traitements antiparkinsoniens en commençant par les anticholinergiques, les inhibiteurs de la MAO-B, l'amantadine et les agonistes dopaminergiques avant de réduire si nécessaire la L-dopa elle-même. Bien souvent, l'aggravation motrice nécessite de reprendre la dopathérapie à un niveau suffisant, dont la tolérance sera rendue possible grâce à la prescription associée de clozapine à la dose minimale efficace et sous surveillance hématologique.

- Les troubles du sommeil répondent à des mécanismes multiples, dont chacun peut justifier une prise en charge spécifique.

- Les douleurs, en dehors des dystonies douloureuses des périodes off, justifient souvent une évaluation précise à la recherche d'une pathologie associée, notamment rhumatologique, qui pourra bénéficier d'un traitement local anti-inflammatoire.

2.3. Place de la rééducation fonctionnelle

- La rééducation motrice doit s'adapter à l'état moteur du patient avec un travail actif nécessairement limité aux périodes on, les périodes off permettant d'aborder les aides aux transferts, les manœuvres de retournement au lit, le contrôle des chutes et la prévention des déformations articulaires avec la prise en charge des douleurs musculaires. En pratique, après un temps de mise en condition physique générale, la séance de rééducation active travaillera la motricité des membres puis le contrôle de l'équilibre et de la marche, en insistant spécifiquement sur les rotations axiales dont il faut maintenir les amplitudes

- La rééducation de la parole et de la déglutition doit également s'adapter à ces contraintes mais reste encore très largement sous-utilisée si l'on considère les besoins des patients.

- D'une manière générale, la rééducation fonctionnelle représente dans la maladie de Parkinson un élément important de la prise en charge dont le coût économique se révèle presque équivalent à celui des médicaments. En raison de l'approche pragmatique qui a prévalu dans la mise en place de ces techniques, les pratiques de rééducation restent imparfaitement évaluées dans leur efficacité : toutefois, des mises au point récentes avec méta analyses d’études antérieures permettent de confirmer une efficacité sur la fonction physique et la qualité de vie, mais le niveau de preuve reste insuffisant pour l’efficacité sur la prévention des chutes. Prenant en compte cette situation de fait, il apparaît souhaitable de prévoir pour l'avenir une méthodologie d'évaluation de chaque domaine spécifique de la motricité (marche, voix, déglutition) avec des objectifs précis et quantifiables dans un cadre multidisciplinaire.

François Viallet : Centre Expert Parkinson. CH du pays d’Aix